M. Altan GOKALP était chargé de mission d’Inspection Générale au Ministère de l’Education nationale, c’était le premier Inspecteur Général de Langue Turque dans l’enseignement secondaire en France. Il est décédé le 20 avril 2010, loin de la France et de la Turquie, au Suriname, lors de son séjour pour une conférence. J’ai voulu m’adresser à lui dans ce courrier pour exprimer ce que je n’ai pas eu l’occasion de lui dire. C’est aussi l’occasion pour moi de lui rendre hommage et d’adresser toute ma sympathie à ses enfants, à sa famille et à ses amis.
Ayse JOLLY – Enseignante de turc à Rennes
Lettre posthume à Monsieur Altan Gokalp
Cher Monsieur Gokalp,
Votre départ soudain m’a été extrêmement douloureux : j’ai perdu un proche, un membre de ma famille, oui, car vous étiez comme un ami mais aussi un père pour nous, un chef de famille, de celle des enseignants de turc : vous qui avez tant œuvré pour la mise en place de l’enseignement du turc dans les collèges et lycées français, qui nous avez permis de choisir ce métier et d’être parmi les premiers enseignants de turc Langue Vivante en France, et qui n’avez pas hésité à nous confier des responsabilités, des tâches pas toujours faciles dans la réalisation desquelles vous nous avez accompagnés même si nos relations furent parfois difficiles et tendues. Je ne pouvais pas rester fâchée contre vous, qui étiez attachant, plein d’humour, plein de savoirs à nous communiquer, vous qui saviez nous captiver quelle que soit la situation.
J’aime l’enseignement du turc, grâce à la confiance et au concours que vous nous avez accordés : vous nous avez fait découvrir le métier tant sur le terrain en tant qu’enseignants que sur le plan de la conception des programmes : vous nous avez aidés à connaître le domaine de l’enseignement du turc en France, et vous étiez toujours là, à notre écoute, lorsque nous rencontrions une difficulté. Vous avez été là lorsqu’il s’est agi d’envisager et de développer l’enseignement de la langue turque dans l’enseignement secondaire, tant en lycée qu’en collège, ou au Cned (2000) et dernièrement, l’ouverture d’une classe de 6e bilangue anglais-turc en 2009, en Bretagne, à Rennes où j’enseigne, le tout premier exemple en France.
J’aimais aussi vous écouter lorsque vous nous parliez de tels ou tels aspects du monde turcophone, de vos expériences, de vos lectures, de vos rencontres, de l’Asie Centrale à l’Europe, sur la turcophonie. Vous saviez aussi bien captiver nous les adultes que les petits collégiens qui appréciaient de vous entendre lorsque vous veniez vous adresser à eux dans nos établissements dans le cadre des projets scolaires : je pense notamment à votre rencontre avec des élèves de 5e à Rennes sur votre métier d’anthropologue, de traducteur mais aussi sur le livre de Dédé Korkut qu’ils avaient découvert grâce au livre que vous avez merveilleusement traduit en français avec M. Louis Bazin.
Aujourd’hui, si je suis enseignante de turc, c’est à vous que je le dois. Je me rappellerai toujours de ce jour de 2003 où vous étiez venu m’inspecter dans ma classe de 4e, et où vous vous étiez entretenu avec mes élèves : quel bonheur indescriptible c’était pour moi de voir mon « maître » dialoguer avec mes élèves sur leurs savoirs mais aussi leurs motivations et leurs projets d’avenir, car le thème était de « parler de l’avenir » !
Depuis votre retraite, j’ai eu l’occasion de vous voir et d’apprécier vos conférences plus souvent que dans le cadre de nos relations d’enseignante-inspecteur : à chaque fois, je me réjouissais à l’idée que j’allais découvrir, apprendre encore énormément de choses grâce à vous, sur la turcophonie dans le monde et aussi sur des sujets linguistiques et philosophiques (tant lorsque vous parliez de l’œuvre de J. Austin « quand dire, c’est faire » que lors de nos réunions sur les programmes de langue turque de l’enseignement secondaire, ou encore lorsque vous parliez de la symbolique des couleurs chez les peuples turcs et chez leurs voisins chinois d’Asie Centrale…, ou encore nous racontiez des anecdotes « comment vous aviez évité le pire en Asie Centrale lorsque vous vous étiez retrouvé face à un loup »… ).
Votre départ si soudain et prématuré m’a beaucoup affectée, touchée : comment ne pas l’être quand je pense que je ne pourrais plus jamais vous revoir…
Vous me manquerez, cher Altan Gokalp.
Ayse Jolly, Rennes, le 28/04/2010
Rennes, 11 avril 2003 – Classes de 5° du Collège les Chalais
Echange sur le travail de traduction, les caractéristiques de la geste Oghuz, avec M. Altan GOKALP, Directeur de recherches au CNRS, traducteur du livre de Dédé Korkut. Public : Elèves de 5ème D, 5ème B, latinistes de 5ème, turcophones. Vous trouverez ci-dessous des photos prises lors de l'intervention de M. GOKALP. Vous pouvez écouter l'enregistrement audio de l'intervention de M. GOKALP (46'58 et 42'09) : http://hezarfen.free.fr/11_avril_2003.htm